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Conseil constitutionnel Décision n° 2020-858/859 QPC du 2 octobre 2020 M. Geoffrey F. et autre [Conditions d'incarcération des détenus] Non conformité totale - effet différé |
Comment |
Le CC est appelé à se prononcer sur les conditions de détention provisoires au regard du principe de la dignité humaine. En vertu de l’article 144-1 du code de procédure pénale, « La détention provisoire ne peut excéder une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité. « Le juge d'instruction ou, s'il est saisi, le juge des libertés et de la détention doit ordonner la mise en liberté immédiate de la personne placée en détention provisoire, selon les modalités prévues par l'article 147, dès que les conditions prévues à l'article 144 et au présent article ne sont plus remplies ». Selon les requérants, le législateur a méconnu l'étendue de sa compétence en adoptant une mesure affectant le principe de sauvegarde de la dignité de la personne humaine, celui de prohibition des traitements inhumains et dégradants, la liberté individuelle, le droit à un recours juridictionnel effectif et le droit au respect de la vie privée. Le législateur n’impose pas au juge judiciaire, selon les requérants, de faire cesser des conditions de détention provisoire contraires à la dignité de la personne humaine. Il s’agit de savoir en l’espèce si le CC peut se prononcer sur l’interprétation de la Cour de cassation dans ses arrêts n° 1399 et 1400 du 8 juillet 2020; La réponse est négative selon le Premier ministre. Le CC n’abonde pas dans ce sens: il lui appartient de se prononcer sur les dispositions législatives contestées. Le CC souligne que les autorités judiciaires et administratives doivent veiller à ce que la détention provisoire soit, en toutes circonstances, mise en œuvre dans le respect de la dignité de la personne. Ces mêmes autorités doivent prévenir et réprimer les agissements portant atteinte à la dignité de la personne placée en détention provisoire et ordonner la réparation des préjudices subis. Quant au législateur, il lui revient de garantir aux personnes placées en détention provisoire la possibilité de saisir le juge en présence de conditions de détention contraires à la dignité pour qu'il soit mis fin à cette situation. Certes, une personne placée en détention provisoire peut saisir le juge administratif en référé. Cependant, les mesures susceptibles d’être adoptées ne garantissent pas, en toutes circonstances, qu'il soit mis fin à la détention indigne, notamment parce que ces mesures dépendent de l’administration. Certes, une sonne placée en détention provisoire peut à tout moment former une demande de mise en liberté ; mais le juge n'est tenu d'y donner suite que dans les cas prévus au second alinéa de l'article 144-1 du code de procédure pénale. Or, il s’agit là du cas où la « détention provisoire excède une durée raisonnable, au regard de la gravité des faits reprochés et de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité, et du cas où la détention n'est plus justifiée par l'une des causes énumérées à l'article 144 du même code, qui relèvent toutes des exigences propres à la sauvegarde de l'ordre public ou à la recherche des auteurs d'infractions ». Certes, le juge peut ordonner la mise en liberté d'une personne placée en détention provisoire si une expertise médicale établit qu’elle est atteinte d'une pathologie engageant le pronostic vital ou que son état de santé physique ou mentale est incompatible avec le maintien en détention. Reste qu’il n’existe aucun recours devant le juge judiciaire pour obtenir qu'il soit mis fin aux atteintes à la dignité d’une personne en raison des conditions de sa détention provisoire. Par conséquent, les dispositions déférées sont contraires à la Constitution. |
Available Text |
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020858_859QPC.htm |
- Franck Laffaille
- France