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Conseil constitutionnel Décision n° 2020-805 DC du 7 août 2020 Loi instaurant des mesures de sûreté à l'encontre des auteurs d'infractions terroristes à l'issue de leur peine Non conformité partielle |
Comment |
Le CC est appelé à se prononcer sur le mécanisme de l’article 706-25-15 du code de procédure pénale. Il s’agit d’une mesure de rétention qui n'est ni une peine ni une sanction ayant le caractère d'une punition selon le CC. Celui-ci constate que cette mesure est prononcée à la suite d'une condamnation pénale et succède à l'accomplissement de la peine. Cette mesure n'est pas décidée lors de la condamnation (par la juridiction de jugement) mais à l'expiration de la peine (par la juridiction régionale de la rétention de sûreté). Cette mesure repose non sur la culpabilité de la personne condamnée mais sur sa dangerosité (présumée). La finalité est d'empêcher et de prévenir la récidive. Quand bien même cette mesure est dépourvue de caractère punitif, elle doit respecter le principe suivant (cf. les articles 2, 4 et 9 de la DDHC de 1789) : la liberté personnelle ne peut être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire. Il échoit au législateur d'assurer une idoine conciliation entre la prévention des atteintes à l'ordre public et l'exercice des droits et libertés constitutionnellement garantis. Ici est en jeu la liberté d'aller et de venir (composante de la liberté personnelle), le droit au respect de la vie privée (article 2 de la DDHC de 1789) et le droit de mener une vie familiale normale (10ème alinéa du Préambule de la Constitution de 1946). S’il est possible de porter atteinte à l'exercice de ces droits et libertés, de telles atteintes doivent être « adaptées, nécessaires et proportionnées à l'objectif de prévention poursuivi ». La mesure prévue à l’article 706-25-15 du code de procédure pénale vise les auteurs d'infractions terroristes. Ils peuvent être soumis, à leur sortie de prison, à des obligations et interdictions pour prévenir toute récidive. L’objectif de la loi est de lutter contre le terrorisme qui renvoie à l'objectif de valeur constitutionnelle de prévention des atteintes à l'ordre public. Cependant, si le législateur peut adopter des mesures de sûreté pour lutter contre le terrorisme, « c'est à la condition qu'aucune mesure moins attentatoire aux droits et libertés constitutionnellement garantis ne soit suffisante pour prévenir la commission de ces actes et que les conditions de mise en œuvre de ces mesures et leur durée soient adaptées et proportionnées à l'objectif poursuivi ». Un tel raisonnement vaut a fortiori lorsque l’on sait que, dans le cas présent, les personnes concernées ont déjà accompli leur peine. Or, la disposition législative contestée permet d’imposer plusieurs obligations ou interdictions – « le cas échéant de manière cumulative ». Cela emporte, selon le CC, violation de la liberté d'aller et de venir, du droit au respect de la vie privée et du droit de mener une vie familiale normale. A titre d’exemples, citons : l’obligation d’avoir son domicile dans un lieu déterminé, l’obligation de se présenter régulièrement au commissariat ou à la gendarmerie, l’interdiction de réaliser certaines activités, l’interdiction de fréquenter certaines personnes, la prohibition de se rendre en tel ou tel lieu… De plus, on ne peut éluder la question de la durée de la mesure de sûreté. Elle peut être ordonnée pour un an, est renouvelable, ce qui peut conduire à une durée cumulée de 5 voire 10 ans. En principe, la mesure contestée vise seulement les personnes condamnées pour une infraction terroriste. Cependant, elle peut être appliquée à des personnes ayant été condamnée à une peine privative de liberté supérieure ou égale à 5 ans (ou à 3 ans si l'infraction a été commise en état de récidive légale). La mesure peut être prononcée y compris en cas de peine assortie en partie d'un sursis simple. La mesure ne peut être prononcée qu’à l’encontre d’une personne dont la dangerosité est telle qu’il existe une probabilité très élevée de récidive. Cependant, la loi n’exige pas que la personne ait pu bénéficier en prison de mesures favorisant sa réinsertion. La mesure de sûreté peut être renouvelée même s’il n’existe pas des « éléments nouveaux ou complémentaires » attestant la dangerosité de la personne visée. Pour toutes ces raisons, la loi déférée viole le bloc de constitutionnalité. |
Available Text |
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2020/2020805DC.htm |