Syndicat de la magistrature et autres (Placement ou maintien en détention provisoire des mineurs et relevés signalétiques sous contrainte)
Non conformité partielle – réserve
link: https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2023/20221034QPC.htm
Sont déférées au Conseil constitutionnel plusieurs dispositions relatives à la justice pénale des mineurs. En vertu de l’article 55-1 du code de procédure pénale, des officiers de police judiciaire peuvent procéder, ou faire procéder – dans le cadre d’une enquête de flagrance - à des opérations de prise d’empreintes digitales (ou palmaires ou de photographies). Le code de la justice pénale des mineurs encadre les conditions dans lesquelles de telles opérations adviennent en présence de mineurs. Lors d’une garde à vue, la prise d’empreintes digitales (ou palmaires ou de photographies) peut être réalisée sans le consentement d’une personne, y compris lorsqu’il s’agit d’un mineur manifestement âgé d’au moins treize ans. Le Conseil constitutionnel évoque, dans un premier temps, l’intention du législateur : celui-ci a entendu faciliter l’identification des personnes mises en cause au cours d’une enquête pénale. Un objectif de valeur constitutionnelle (OVC) a été poursuivi légitimement : la recherche des auteurs d’infractions. Quant à la prise d’empreintes (ou de photographies), elle requiert – si la personne visée n’est pas d’accord - l’autorisation écrite du procureur de la République (saisi d’une demande motivée par l’officier de police judiciaire). Ladite autorisation – émanant du procureur de la République – ne peut être octroyée que s’il s’agit là du seul moyen d’identifier une personne refusant de justifier de son identité (ou fournissant des éléments d’identité manifestement inexacts). Encore faut-il qu’il existe, à l’encontre de la personne visée, des « raisons plausibles de soupçonner qu’elle a commis ou tenté de commettre un crime ou un délit puni d’au moins trois ans d’emprisonnement et, lorsqu’elle est mineure, d’au moins cinq ans d’emprisonnement ». S’agissant d’une personne mineure, obligation il y a de l’informer - en présence de son avocat - des peines encourues en cas de refus de se soumettre à de telles opérations (et de la possibilité d’y procéder sans son consentement). Le Conseil ajoute : « l’officier de police judiciaire ne peut recourir à la contrainte que dans la mesure strictement nécessaire et de manière proportionnée, en tenant compte, le cas échéant, de la vulnérabilité de la personne ainsi que de la situation particulière du mineur ». A cet instant de la décision, le Conseil constitutionnel émet une réserve d’interprétation. Tout d’abord, les opérations de prise d’empreintes digitales (ou palmaires ou de photographies) - réalisées sans le consentement de la personne (mineure ou majeure) – ne peuvent être effectuées hors présence d’un avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié. A défaut, seraient privées de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant des articles 2, 4 et 9 de la Déclaration de 1789 (la liberté personnelle ne saurait être entravée par une rigueur qui ne soit nécessaire). A défaut, seraient privées de garanties légales les exigences constitutionnelles découlant de l’article 16 de la Déclaration de 1789 (« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »). Cet article 16 de la Déclaration de 1789 garantit les droits de la défense. D’autre part, le Conseil constitutionnel censure les dispositions législatives permettant de recourir à la contrainte dans le cadre du régime de l’audition libre ; censure il y a dans la mesure où « le respect des droits de la défense dans ce cadre exige que la personne intéressée soit entendue sans contrainte et en droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue ». Le quatrième alinéa de l’article 55-1 du code de procédure pénale s’avère inconstitutionnel car il méconnait les exigences constitutionnelles mentionnées en amont. Le Conseil constitutionnel émet une réserve d’interprétation sur un autre point. Le juge constate tout d’abord que le magistrat compétent peut ordonner le placement ou le maintien en détention provisoire d’un mineur à la seule condition que sa décision soit spécialement motivée par la nécessité suivante : garantir le maintien de cette personne à la disposition de la justice. Il revient au magistrat compétent de vérifier que le placement ou le maintien en détention provisoire du mineur « n’excède pas la rigueur nécessaire » (cf. les circonstances, la situation personnelle de l’intéressé, la gravité de l’infraction). Sous cette réserve (cf. la formule « n’excède pas la rigueur nécessaire »), la disposition contestée ne mérite pas censure (absence de méconnaissance du principe fondamental reconnu par les lois de la République en matière de justice pénale des mineurs). Une autre réserve d’interprétation advient : elle vise les dispositions permettant de recourir à la contrainte dans le cadre du régime de l’audition libre. Ces opérations – visant un majeur ou un mineur – ne peuvent être effectuées hors la présence d’un avocat, des représentants légaux ou de l’adulte approprié. Le Conseil constitutionnel s’arrête sur un régime spécifique, celui de l’audition libre. En vertu des dispositions contestées, il est possible de recourir à la contrainte dans le cadre de ce régime de l’audition libre ; or, le respect des droits de la défense dans ce cadre exige que la personne intéressée soit entendue sans contrainte. Elle est même en droit de quitter à tout moment les locaux où elle est entendue. Cela vaut également – précise le Conseil – pour les mineurs entendus sous le régime de l’audition libre. Entendue cette réserve, la disposition déférée ne mérite pas censure.