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Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law ---------------------------------------------------------------------------- Section: Sources of Law in the EU member States
FRANCE By Franck Laffaille Faculté de droit de Villetaneuse (IDPS) Université Sorbonne-Paris-Nord
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Conseil constitutionnel Décision n°2022-1003 QPC 8 juillet 2022 Association Groupe d'information et d'action sur les questions procréatives et sexuelles [Accès à l'assistance médicale à la procréation] Conformité |
Comment |
Le Conseil constitutionnel a estimé que les dispositions législatives déférées (cf. la loi n° 2021-1017 du 2 août 2021 relative à la bioéthique) – ouvrant l’accès à l’assistance médicale à la procréation (AMP) aux couples (un homme et une femme, deux femmes) et aux femmes non mariées – sont conformes à la Constitution. C’est par la négative qu’il convient de réfléchir : sont privés du bénéfice de la loi les hommes seuls ou en couple avec un homme. Il s’ensuit que ne peuvent recourir à l’AMP les femmes qui – après une modification de la mention relative à leur sexe – ont conservé leurs capacités gestationnelles. Selon l’association requérante, la loi – excluant les femmes en capacité de mener une grossesse après changement de la mention de leur sexe - institue une différence de traitement injustifiée. Cette différence de traitement serait contraire aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité entre les hommes et les femmes. Le législateur aurait méconnu l'étendue de sa compétence. En outre, il serait porté atteinte à la liberté personnelle et au droit de mener une vie familiale normale : les hommes transgenres devraient renoncer à modifier la mention de leur sexe à l'état civil pour conserver la possibilité d'accéder à l’AMP. Le Conseil rappelle tout d’abord qu’il est « loisible au législateur, statuant dans le domaine de sa compétence, d'adopter des dispositions nouvelles dont il lui appartient d'apprécier l'opportunité et de modifier des textes antérieurs ou d'abroger ceux-ci en leur substituant, le cas échéant, d'autres dispositions ». Une condition : que dans l'exercice de ce pouvoir, le législateur ne prive pas de garanties légales des exigences de caractère constitutionnel. Aussitôt rappelée cette formule classique, le juge en énonce une autre – classique également – qui ne laisse présager rien de bon pour les saisissants : « L'article 61-1 de la Constitution ne confère pas au Conseil constitutionnel un pouvoir général d'appréciation et de décision de même nature que celui du Parlement, mais lui donne seulement compétence pour se prononcer sur la conformité des dispositions législatives soumises à son examen aux droits et libertés que la Constitution garantit ». Quid de la loi déférée au regard du principe d’égalité (article 6 de la DDHC de 1789) ? Là encore, rappel d’une jurisprudence classique il y a : « Le principe d'égalité ne s'oppose ni à ce que le législateur règle de façon différente des situations différentes, ni à ce qu'il déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général, pourvu que, dans l'un et l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la loi qui l'établit ». Qu’en est-il dans le cas présent ? Le Conseil se fonde sur les travaux préparatoires de la loi. On avoue n’apprécier que modérément une telle logique herméneutique car elle repose sur un présupposé erroné : que le législateur possède une volonté unique que le juge serait capable de décerner. Cette quête d’unité est rassurante ; elle est méthodologiquement naïve et peu pertinente. Ici, le juge estime – au regard des travaux préparatoires – que le législateur a voulu permettre l’égal accès des femmes à l’AMP « sans distinction liée à leur statut matrimonial ou à leur orientation sexuelle ». Cependant, la différence de situation entre les hommes et les femmes (au regard des règles de l'état civil) est de nature à justifier une différence de traitement, en rapport avec l'objet de la loi. Il ne manquait plus – pour acter la régularité de la loi – que le Conseil ajoute qu’il ne lui appartient pas de de « substituer son appréciation à celle du législateur sur la prise en compte, en cette matière, d'une telle différence de situation ». Il n’y a pas méconnaissance du principe d'égalité, tout comme il n’y a pas méconnaissance du droit de mener une vie familiale normale ou encore de la liberté personnelle. Cette décision est assez révélatrice du self-restraint du Conseil dès lors qu’il est confronté à des questions éthiques. |
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Conseil constitutionnel Décision n°2022-1000 QPC 17 juin 2022 Conformité |
Comment |
Sont regardées conformes à la Constitution les dispositions relatives à la réquisition de données de connexion dans le cadre d'une information judiciaire. Selon le requérant, les dispositions déférées permettent – indument – au juge d'instruction (ou à un officier de police judiciaire commis par lui) de requérir la communication de données de connexion. Cela est possible alors même que l’instruction peut porter sur tout type d'infraction et qu'elle n'est pas justifiée par l'urgence ni limitée dans le temps. Le législateur aurait méconnu le droit au respect de la vie privée. De plus, ajoute le requérant, le juge d'instruction (ou l’officier de police judiciaire) qui peut ainsi requérir des données de connexion ne mériterait pas la qualité de juridiction indépendante. S’ensuivrait une violation du droit UE, des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. Un mot n’a pas été prononcé jusqu’alors et il est d’importance : secret professionnel. En effet, le juge d'instruction (ou l’OPJ) peut requérir par tout moyen des documents détenus par toute personne publique ou privée « sans que puisse lui être opposée, sans motif légitime, l'obligation au secret professionnel ». Et cela même alors que les documents peuvent être issus d'un système informatique ou d'un traitement de données nominatives. Le Conseil fait lecture de l’article 2 de la DDHC de 1789 (« Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont la liberté, la propriété, la sûreté, et la résistance à l'oppression »). Il est rappelé que la liberté consacrée par cet article implique le droit au respect de la vie privée. Puis, il est fait lecture de l’article 34 C. : le législateur fixe « les règles concernant les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques. Il lui incombe d'assurer la conciliation entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infraction et le droit au respect de la vie privée ». Le Conseil constate que les données de connexion fournissent sur les personnes (et sur des tiers éventuellement) « des informations nombreuses et précises, particulièrement attentatoires à leur vie privée ». Il s’agit là d’un constat de bon sens découlant de la nature, de la diversité et des traitements de ces données. A l’aune de ce constat, il était loisible de penser que le Conseil allait entamer une réflexion minimalement substantielle centrée sur le principe de proportionnalité. Il n’en est rien. Abruptement, il énonce que le législateur a poursuivi l'objectif de valeur constitutionnelle (OVC) de recherche des auteurs d'infractions. Puis il s’intéresse à la qualité des personnes opérant une demande de réquisition : quant au juge d’instruction, il est un « magistrat du siège dont l'indépendance est garantie par la Constitution » … quant à l’OPJ, il est un organe autorisé par une commission rogatoire délivrée par ce magistrat. Certes. Pour justifier une non censure, le Conseil rappelle que la loi déférée permet la réquisition de données de connexion uniquement dans le cadre d'une information judiciaire (dont l'ouverture n'est obligatoire qu'en matière criminelle et pour certains délits). Certes, est-il concédé, une information peut également être ouverte pour les autres infractions ; mais dans cette hypothèse, le juge d'instruction ne peut informer qu'en vertu d'un réquisitoire du procureur de la République (cf. les articles 85 et suivants du code de procédure pénale en matière délictuelle, à la suite d'une plainte avec constitution de partie civile). Se voulant rassurant, le Conseil s’arrête spécifiquement sur le cas d’une réquisition mise en œuvre par un officier de police judiciaire (qui n’est pas un magistrat du siège). Il n’est en effet pas anodin qu’un tel organe puisse réaliser un tel acte. Mais cette réquisition est réalisée en exécution d'une commission rogatoire ; datée et signée par le magistrat, elle précise la nature de l'infraction, l’objet des poursuites, fixe le délai dans lequel elle doit être retournée (avec les procès-verbaux dressés pour son exécution) par l’OPJ. Une telle réquisition doit « se rattacher directement à la répression de cette infraction » et doit être mise en œuvre sous la direction et le contrôle du juge d'instruction (cf. l'article 152 du code de procédure pénale). Quant à la durée de l'information, elle ne doit pas excéder un délai raisonnable au regard de la gravité des faits reprochés à la personne mise en examen, de la complexité des investigations nécessaires à la manifestation de la vérité et de l'exercice des droits de la défense. Cela s’effectue sous le contrôle de la chambre de l'instruction. A l’aune de ces garanties de manière formelle, les dispositions déférées « opèrent une conciliation équilibrée entre l'objectif de valeur constitutionnelle de recherche des auteurs d'infractions et le droit au respect de la vie privée ». La Constitution n’est pas méconnue, plus précisément les droits de la défense et le droit à un recours juridictionnel effectif. Le regret ici formulé est le même depuis nombre d’années. Le Conseil constitutionnel se cache derrière des garanties formelles pour éluder toute réflexion quant au balancement (idoine ?) des intérêts en présence. Ce n’est pas tant la décision qui choque que la méthode retenue, ce mal français. Quand le juge estime qu’il y a conciliation équilibrée entre l’OVC (recherche des auteurs d'infractions) et le droit au respect de la vie privée, à aucun moment il opère un contrôle de proportionnalité digne de ce nom. |
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Conseil constitutionnel Décision n°2002-999 QPC 17 juin 2022 Établissement public La Monnaie de Paris [Impossibilité pour le témoin assisté d'interjeter appel de la décision de refus du juge d'instruction de constater la prescription de l'action publique] Non conformité totale Effet différé |
Comment |
Selon le requérant, les dispositions déférées ne permettent pas au témoin assisté d'interjeter appel de la décision de refus du juge d'instruction de constater la prescription de l'action publique. Or, un tel droit est ouvert à la personne mise en examen. Seraient méconnus les principes d'égalité devant la loi et devant la justice ainsi que du droit à un recours juridictionnel effectif. La question de constitutionnalité porte sur le 1er alinéa de l’article 186-1 du code de procédure pénale. Après rappel du principe d’égalité figurant à l’article 6 de la DDHC de 1789, le Conseil fait lecture de l’article 16 du même texte : « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution ». Puis, est soulignée la puissance discrétionnaire du législateur qui peut prévoir des règles de procédure différentes selon les faits, les situations et les personnes auxquelles elles s'appliquent. Puissance discrétionnaire certes mais puissance encadrée : encore faut-il que les différences posées par le législateur « ne procèdent pas de distinctions injustifiées et que soient assurées aux justiciables des garanties égales ». En vertu du 1er alinéa de l’article 186-1 du code de procédure pénale, les parties peuvent interjeter appel des ordonnances prises en application de l'article 82-3 du même code. Une personne mise en examen peut interjeter appel de l'ordonnance par laquelle le juge d'instruction refuse de constater la prescription de l'action publique. Cependant, il existe une jurisprudence de la Cour de cassation en vertu de laquelle un tel droit n'est pas ouvert au témoin assisté. Le Conseil constitutionnel ne peut que constater l’existence d’une « distinction injustifiée entre les personnes mises en examen, selon qu'elles ont précédemment eu ou non le statut de témoin assisté ». Il s’ensuit une méconnaissance du principe d'égalité devant la justice. Les autres griefs ne sont pas évoqués par le juge. In fine, le Conseil s’arrête sur les effets de la déclaration d'inconstitutionnalité. Après lecture de l’article 62 C. (« Une disposition déclarée inconstitutionnelle sur le fondement de l'article 61-1 est abrogée à compter de la publication de la décision du Conseil constitutionnel ou d'une date ultérieure fixée par cette décision. Le Conseil constitutionnel détermine les conditions et limites dans lesquelles les effets que la disposition a produits sont susceptibles d'être remis en cause »), il rappelle que la déclaration d'inconstitutionnalité doit bénéficier à l’auteur de la QPC et que la disposition censurée est seulement applicable dans les instances en cours à la date de la publication de sa décision. Toutefois, le Conseil peut – sur le fondement de l’article 62 C. précité - fixer la date de l'abrogation et reporter dans le temps ses effets. Il peut encore prévoir la remise en cause des effets que la disposition a produits avant l'intervention de cette déclaration. Compétence du Conseil constitutionnel il y a enfin de s'opposer à l'engagement de la responsabilité de l'Etat du fait des dispositions déclarées inconstitutionnelles ; il lui est loisible également d'en déterminer les conditions ou limites particulières. Dans le cas présent, s’il y avait abrogation immédiate des dispositions déclarées inconstitutionnelles, cela priverait les parties du droit d'interjeter appel des ordonnances rendues par le juge d'instruction (cf. l’article 82-3 du code de procédure pénale). Les conséquences seraient « manifestement excessives » ; aussi la date de leur abrogation est-elle reportée au 31 mars 2023. |
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Conseil constitutionnel Décision n°2022-27 D 16 juillet 2022 Demande tendant à la déchéance de plein droit de M. Michel FANGET de sa qualité de membre de l'Assemblée nationale Rejet |
Comment |
Le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (décision n°322/2022, 10 février 2022) puis la Cour d'appel de Riom (arrêt n°332, 18 mai 2022) ont condamné le député M. Fanget à une peine d'emprisonnement assortie du sursis, à une amende et à une peine complémentaire de privation de son droit d'éligibilité. M. Fanget a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. En vertu du premier alinéa de l'article L.O. 136 du code électoral, « Sera déchu de plein droit de la qualité de membre de l'Assemblée nationale celui … qui, pendant la durée de son mandat, se trouvera dans l'un des cas d'inéligibilité prévus par le présent code ». Tout député en exercice condamné par une décision judiciaire à une peine de privation de son droit d'éligibilité a donc vocation à être déchu de plein droit de son mandat. Par une requête du procureur de la République près le tribunal judiciaire de Clermont-Ferrand (en date du le 29 mars 2022), le Conseil constitutionnel a été saisi pour que soit constatée la déchéance de plein droit de M. Fanget de sa qualité de membre de l'Assemblée nationale. Le Conseil fait lecture de l'article 569 du code de procédure pénale disposant qu’il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation. Puisque M. Fanget s’est pourvu en cassation, il est sursis à l'exécution de l'arrêt de la cour d'appel jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour de cassation. En effet, l'exécution provisoire de la sanction – qui prive le député de son droit d'éligibilité – « est sans effet sur le mandat parlementaire en cours, dont la poursuite dépend de la seule exécution de l'arrêt ». Point de condamnation définitive du député au jour où se prononce le Conseil constitutionnel ; la requête du procureur de la République est rejetée. |
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Conseil constitutionnel Décision n°2022-198 PDR 16 juin 2022 Observations du Conseil constitutionnel sur l'élection présidentielle des 10 et 24 avril 2022 |
Comment |
En vertu de l'article 58 C., le Conseil constitutionnel veille à la régularité de l'élection du Président de la République. Au lendemain de cette dernière (cf. le scrutin du scrutin 10 avril et celui du 24 avril 2022), le Conseil formule quelques observations. Il estime que certaines craintes n’avaient pas lieu d’être au vu des statistiques dont il fait part. Ainsi, grande était la crainte que la publicité intégrale des parrainages validés (obligatoire depuis 2016) dissuade les élus habilités à présenter des candidats à le faire. Grande était encore la crainte que ce mécanisme de transparence réduise le pluralisme idéologique (corpus de valeurs), à savoir « la représentation des principaux courants de pensée animant la vie politique nationale ». Il n’en est rien selon le Conseil constitutionnel. S’agissant du déroulement des opérations de vote, le Conseil constate que peu de suffrages exprimés ont été annulés (premier tour, 10 216 suffrages exprimés annulés, soit 0,03 % des votants … second tour, 20 594 suffrages exprimés annulés, soit 0,06 % des votants). Cependant, quelques entorses aux règles électorales ont été parfois notées. Elles portent sur : la composition du bureau de vote (non conforme aux exigences du code électoral) … la mise à disposition des électeurs de bulletins blancs … l'absence de contrôle de l'identité des électeurs dans certaines communes … la méconnaissance de l'ordre des opérations prescrit par le code électoral (contrôle de l'identité, vérification de l'inscription sur les listes électorales, vote, émargement) … la méconnaissance des règles de tenue de l'urne (fermeture de l'urne, remplacement d'une urne défectueuse, règles de conservation des clés) … l'absence de mise à disposition du procès-verbal … les difficultés rencontrées par les électeurs souhaitant formuler des réclamations … les difficultés rencontrées par les délégués du Conseil constitutionnel désireux de formuler des observations. S’agissant du dépouillement des votes, le Conseil rappelle que « les opérations de dépouillement des votes obéissent à des règles précisément définies par le code électoral ». Par exemple, il souligne qu’il est interdit de réaliser un « dépouillement « par tas » (les bulletins par candidats sont regroupés puis leur nombre est reporté sur les feuilles de pointage). Au contraire, le décompte de chaque voix doit intervenir au fur et à mesure du dépouillement. Le Conseil réitère une recommandation par lui formulée en 2012 et 2017 : que le caractère public des opérations de dépouillement soit « clairement inscrit dans le code électoral ». Actuellement, l'article R. 63 oblige seulement à ce que « les tables sur lesquelles s'effectue le dépouillement (soient) disposées de telle sorte que les électeurs puissent circuler autour ». Remarque salutaire du Conseil constitutionnel. Quant à l’obligation compter à part les votes blancs (cf. la loi du 21 février 2014), elle a – parfois – généré quelques confusions, à savoir des interversions avec les votes nuls ou des erreurs de comptabilisation. Il s’en est suivi que les commissions de recensement ont été obligées de requalifier en votes blancs des bulletins qui, à tort, avaient été déclarés nuls. Quant au recensement des votes, il a été relevé parfois des « discordances importantes et inexpliquées » entre les chiffres inscrits dans le procès-verbal des opérations de vote et ceux figurant dans les feuilles de dépouillement. Des cas d'absence de transmission à la préfecture du procès-verbal des opérations de vote ou des listes d'émargement - à l'issue du dépouillement – ont encore été constatées. Le Conseil souligne combien il importe que soit transmis aux commissions de recensement un procès-verbal complet des opérations de vote. Cela permet de savoir si des incidents ont été constatés par les délégués du Conseil ou si ont été réalisées, par des électeurs, des réclamations. La transmission du PV et des documents annexes doit être réalisée « immédiatement après le dépouillement du scrutin » (article L. 68 du code électoral). |
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Conseil constitutionnel Décision n°202-996/997 QPC 3 juin 2022 M. Jonas A. et autre [Requête en nullité du mandat d'arrêt délivré par un juge d'instruction français contre une personne placée sous écrou extraditionnel à l'étranger] Conformité - réserve |
Comment |
Le Conseil constitutionnel est saisi de l'article 173 du code de procédure pénale (rédaction résultant de la loi du 23 mars 2019). En vertu de ce dernier, « S'il apparaît au juge d'instruction qu'un acte ou une pièce de la procédure est frappé de nullité, il saisit la chambre de l'instruction aux fins d'annulation, après avoir pris l'avis du procureur de la République et avoir informé les parties ». La loi n’impose pas à la chambre de l'instruction de statuer à bref délai en présence d'une requête en nullité formée contre le mandat d'arrêt pour l'exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l'étranger. Selon les requérants, il s’ensuit une méconnaissance de la liberté individuelle, des droits de la défense et du droit à un recours juridictionnel effectif. La différence de traitement instituée - entre la personne placée sous écrou extraditionnel à l'étranger et celle placée en détention provisoire en France (dont le recours doit être examiné à bref délai par la chambre de l'instruction) – serait inconstitutionnelle. Le Conseil constitutionnel fait lecture de l’article 66 C. (« Nul ne peut être arbitrairement détenu. - L'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, assure le respect de ce principe dans les conditions prévues par la loi ») et de l’article 16 de la DDHC de 1789 (« Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »). Sur le fondement de cette dernière disposition, toute personne intéressée possède le droit d’exercer un recours juridictionnel effectif. En réalité, ce qui est au cœur du litige n’est pas tant le texte proprement dit que l’interprétation qui en est faite par la Cour de cassation. En vertu de la jurisprudence constante de celle-ci, une personne placée sous écrou extraditionnel à l'étranger pour l'exécution d'un mandat d'arrêt décerné par un juge d'instruction peut saisir la chambre de l'instruction d'une requête en nullité de ce mandat. La chambre de l'instruction dispose en général d'un délai de deux mois ; cependant, la méconnaissance de ce délai n'est assortie d'aucune sanction. Or, souligne le Conseil constitutionnel, « en matière de privation de liberté, le droit à un recours juridictionnel effectif impose que le juge judiciaire soit tenu de statuer dans les plus brefs délais ». Une telle exigence s’impose aux autorités judiciaires. Il s’ensuit qu’obligation il y a pour la chambre de l'instruction – lorsqu’elle est saisie d'une requête en nullité d'un mandat d'arrêt pour l'exécution duquel une personne est placée sous écrou extraditionnel à l'étranger - de statuer dans les plus brefs délais. Le Conseil constitutionnel formule – on le voit – une réserve d’interprétation. Sous cette réserve, la loi déférée est réputée ne pas porter atteinte à la Constitution. |
Available Text |
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022996_997QPC.htm |
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Conseil constitutionnel Décision n°2022-987 QPC 8 avril 2022 M. Saïd Z. [Conditions de recours aux moyens des services de l'État soumis au secret de la défense nationale dans le cadre de certaines procédures pénales] Conformité |
Comment |
La QPC porte sur la seconde phrase du second alinéa de l'article 706-102-1 du code de procédure pénale. Cette disposition permet au procureur de la République – pour procéder à la captation de certaines données informatiques - de recourir discrétionnairement à des moyens couverts par le secret de la défense nationale. Ce faisant, ils sont soustraits au débat contradictoire. Selon les requérants, une personne mise en cause se trouverait dans l’impossibilité de contester la régularité de l'opération par elle subie. Il serait porté atteinte aux droits de la défense, aux principes de l'égalité des armes et du contradictoire, ainsi qu’au droit à un recours juridictionnel effectif. De surcroît, la disposition déférée emporterait méconnaissance du droit au respect de la vie privée, du droit à la protection des données personnelles, du secret des correspondances, de la liberté d’expression. Le Conseil fait lecture de l’article 16 de la DDHC de 1789 (« « Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a point de Constitution »). A l’aune de cet article, sont garantis « les droits de la défense et le principe du contradictoire qui en est le corollaire ». Dans le cas présent, les intérêts en présence ne sont pas de peu. Du côté des citoyens, les droits de la défense et le principe du contradictoire. Du côté de l’Etat, la recherche des auteurs d'infractions (objectif de valeur constitutionnelle, OVC) et les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation (dont participe le secret de la défense nationale). C’est au législateur qu’échoit la tâche d’assurer, selon la formule consacrée, « la conciliation » entre ces différents intérêts. Le Conseil constate que le procureur de la République (au cours de l'enquête) et le juge d’instruction (au stade de l'instruction) peuvent recourir aux moyens de l'État soumis au secret de la défense nationale pour réaliser les opérations de captation des données. On comprend rapidement que le Conseil n’entend pas censurer le législateur : au §15, il insiste sur le fait que le législateur a entendu, via cette loi, « permettre aux autorités en charge des investigations de bénéficier de moyens efficaces de captation et de mise au clair des données, sans pour autant fragiliser l'action des services de renseignement en divulguant les techniques qu'ils utilisent ». La loi a donc pour finalité de poursuivre l’OVC de recherche des auteurs d'infractions ; elle met en œuvre les exigences constitutionnelles inhérentes à la sauvegarde des intérêts fondamentaux de la Nation ». Puis, le Conseil met en exergue les garanties existantes, et selon lui, suffisantes : de tels moyens ne peuvent être usités que pour « la mise en œuvre d'une technique spéciale d'investigation autorisée par le juge des libertés et de la détention ou par le juge d'instruction ». Cela ne vaut que pour « les nécessités d'une enquête ou d'une information judiciaire relatives à certains crimes et délits d'une particulière gravité et complexité ». La garantie découlant de la présence du juge – qui peut à tout moment décider de mettre fin à ce processus – semble suffisante aux yeux du Conseil constitutionnel. De plus, les informations litigieuses – soustraites au principe du contradictoire – sont versée au dossier ; sont également versés au dossier le procès-verbal de mise en place du dispositif et le procès-verbal décrivant ou transcrivant les données enregistrées jugées utiles à la manifestation de la vérité. Quant aux éléments recensés à l’issue des opérations, ils font l’objet d'un procès-verbal de réception versé au dossier de la procédure. Il y a obligation – pour le « responsable de l'organisme technique » - de certifier la sincérité des résultats transmis. Quant à la juridiction, il appert qu’elle peut demander la déclassification et la communication des informations soumises au secret de la défense nationale. Au regard de tous les éléments ainsi relevés, le législateur est réputé avoir réaliser une « conciliation équilibrée entre les exigences constitutionnelles précitées ». Ne sont pas méconnus le droit à un recours juridictionnel effectif, le droit au respect de la vie privée, la liberté d'expression. Point de censure donc. Il s’agit là d’une décision très philo-étatique. Comme de coutume, le Conseil constitutionnel s’arrête sur l’existence de garanties formelles pour s’affranchir de toute réflexion proportionnaliste. Quant à certains de ses arguments, ils font sourire : que vaut la garantie inhérente à l’existence d’une attestation ( !) du « responsable de l'organisme technique certifiant la sincérité des résultats transmis » ?... |
Available Text |
https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2022/2022987QPC.htm |