2022 |
Osservatorio sulle fonti / Observatory on Sources of Law ----------------------------------------------------------------------------Section: Sources of Law in the EU member States FRANCE By Franck Laffaille, Sorbonne-Paris-Nord, IDPS, Sorbonne/Paris/Nord |
Name of the Act/s |
Conseil d’Etat Décision du 17 octobre 2022 N°428409 |
Comment | Dans cette décision – très commentée – du 17 octobre 2022, le Conseil d’Etat condamne l’Etat à payer deux astreintes de 10 millions d’euros. La raison ? L’inaction carentielle de l’Etat en matière de lutte contre la pollution de l’air. Il convient de se mouvoir en amont pour comprendre la présente décision. Dès 2017 (décision n°394254) le Conseil d’Etat enjoint à l’Etat français d’intervenir normativement et qualitativement pour améliorer la qualité de l’air, sur le fondement de la directive UE sur la qualité de l’air. Il s’agissait alors de réduire les concentrations de dioxyde d’azote (NO2) et de particules fines (PM10) dans 13 zones. En 2020 (décision n°428409), le CE constate que les mesures adoptées par l’Etat sont insuffisantes : est prononcée une astreinte à l’encontre de l’Etat s’il ne justifie pas, dans les six mois, avoir exécuté la décision du 12 juillet 2017. Le montant de l’astreinte est fixé à 10 millions d’euros par semestre jusqu’à la date de cette exécution. En 2021 (décision n°428409), le Conseil d’Etat, procède à la liquidation provisoire de l’astreinte (période du 11 janvier au 11 juillet 2021) et condamne l’Etat à verser la somme de 10 millions d’euros aux requérants et à diverses entités publiques en charge de protéger l’environnement. La décision de 2022 s’inscrit ainsi dans un contexte voyant l’Etat ne pas assumer, depuis plusieurs années, la mission qui lui échoit en la matière. Dans cette décision, le CE constate de prime abord que les taux de concentration en dioxyde d’azote (dans les ZAG Lyon, Paris, Aix-Marseille et Toulouse) présentent un dépassement de la valeur limite fixée à l’article R. 221-1 du code de l’environnement. Question : dès lors que dépassement des valeurs limites pour le dioxyde d’azote il y a, les mesures étatiques adoptées depuis la décision du 4 août 2021 sont-elles de nature à « ramener, dans le délai le plus court possible, les taux de concentration pour ce polluant en deçà de la valeur limite fixée à l’article R. 221-1 du code de l’environnement » ? Réponse négative, nonobstant les arguments en défense du Gouvernement. Certes, concède le CE, les mesures prises devraient conduire à une amélioration de la situation par rapport à 2019. Néanmoins, cela s’avère notoirement insuffisant : « les éléments produits ne permettent pas d’établir que les effets des différentes mesures adoptées permettront de ramener, dans le délai le plus court possible, les niveaux de concentration en dioxyde d’azote en deçà des valeurs limites fixées à l’article R. 221-1 du code de l’environnement pour les ZAG Aix-Marseille, Lyon, Paris et Toulouse ». Il s’ensuit que l’Etat n’a pas adopté des mesures suffisantes pour « assurer l’exécution complète des décisions du Conseil d’Etat des 12 juillet 2017 et 10 juillet 2020 ». L’Etat doit payer la somme de 20 millions d’euros (pour les deux semestres concernés). Le CE ajoute que la (seule) requérante l’association Les amis de la Terre France ne recevra qu’une (petite) fraction de la somme (50 000 euros) à liquider pour éviter un enrichissement indu. Le reste de l’astreinte est réparti entre l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME), le Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement (CEREMA), l’Agence nationale de sécurité sanitaire, de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES), l’Institut national de l’environnement industriel et des risques (INERIS) et des associations agréées de surveillance de la qualité de l’air compétentes dans les zones de Paris, Lyon (Atmo Auvergne Rhône-Alpes), Aix-Marseille (Atmo Sud) et Toulouse (Atmo Occitanie). Les associations agréées pour la surveillance de la qualité de l'air sont des organismes de la surveillance de la qualité de l'air; elles sont agréées par l'État. Il est certes loisible de réceptionner – partiellement - la thèse de l’enrichissement indu ; de là à n’octroyer que 50000 euros à l’unique requérante ayant, grâce à son action, contribué à cette notable avancée jurisprudentielle… Les associations requérantes victorieuses devraient recevoir une somme plus substantielle, quitte à ce que le juge conditionne l’utilisation de l’argent octroyé. De plus, le raisonnement du CE aboutit à un paradoxe : certaines entités bénéficiaires sont des établissements publics (EPIC, EPA), à savoir des démembrements d’un Etat condamné à raison de son inaction. D’autres bénéficiaires sont des associations (à but non lucratif) agréées pour la surveillance de la qualité de l'air (AASQA) ; elles sont certes des associations mais agréées par l’Etat… On entrevoit combien il est ardu en France – pays où règne l’Etat administratif – de regarder les associations comme des entités légitimes agissant au nom de l’intérêt général. |
Available Text | https://www.conseil-etat.fr/actualites/pollution-de-l-air-le-conseil-d-etat-condamne-l-etat-a-payer-deux-astreintes-de-10-millions-d-euros |